Perception de la parole dans le bruit : l’évent influence t-il les performances de l’aide auditive ?

Je reprends progressivement une activité épistolaire pour explorer l’intérêt des mesures objectives en audiologie prothétique. Car non, avec toute la prise en charge du monde, on ne peut pas tout détecter par nos seules observations subjectives.

Les aides auditives restent peut-être encore les seuls dispositifs médicaux (DM) pris en charge par l’assurance maladie, à un montant aussi élevé, et dont il ne soit AUCUNEMENT nécessaire de prouver l’amélioration pour le patient lors de leur mise sur le marché !

Un fabricant, lors d’un changement de gamme, n’est pas tenu de fournir à un quelconque organisme les mesures, tests, améliorations qui prouveraient que sa gamme n+1 présente une amélioration par rapport à sa gamme n. Ni que son DM (en ce qui concerne les aides auditives) apporte un bénéfice au patient, dans le bruit par exemple.

Est-ce bien normal ? Le médecin accepterait-il de prescrire le moindre traitement qui n’aurait pas subi des tests en laboratoire, et sur des cohortes de sujets ?

Non, bien sûr !

Les choses vont progressivement changer puisque les aides auditives, comme la plupart des DM remboursés, devront d’ici quelques années (2025) apporter la preuve qu’un nouveau dispositif est supérieur à l’ancien pour être pris en charge. Quels seront les moyens employés pour cela ? Il y a fort à parier que les mesures objectives tiendront une grande place dans ces éléments de preuve.

Nous avons tout intérêt à maîtriser cette nouvelle grammaire à venir, à comprendre le fonctionnement de ces mesures, à savoir ce qu’elles testent (et ne mesurent pas) et comment les lire et les interpréter.

Il y a maintenant plus d’un an, j’avais exploré l’indice HASPI v1 (Hearing Aid Speech Perception Index) à la suite des tests effectués par QC :

Pourquoi l’indice HASPI ? Car il est l’un des plus abouti actuellement et vient d’être révisé récemment en proposant un algorithme de détection de la parole amélioré (par réseau de neurones, voir ici pour cette technique aussi performante qu’elle est excessivement complexe).

Comme son nom l’indique, l’indice HASPI tente de prédire la Perception (notion objective) et non l’intelligibilité (notion hautement subjective), en simulant les effets de la perte auditive et en utilisant les connaissances psychoacoustiques de ces dernières décennies.

L’indice HASPI v2 semblait donc idéal pour explorer (parmi d’autres indices, qui seront abordés ultérieurement) le sujet brûlant aujourd’hui : faut-il fermer le conduit auditif (temporairement ou de façon permanente) si l’on veut améliorer la perception en milieux bruyants ?

Pourquoi ? parce que nous présumons que l’effet d’évent a un impact sur les basses fréquences, mais aussi parce que le bruit extérieur à l’oreille est censé enter directement dans le conduit auditif ouvert, sans passer par l’aide auditive et sa filtration « magique » (si elle existe).

Pourquoi encore ? Car comme moi, vous avez dû entendre parler d’une technologie censée fermer le conduit dans le bruit pour plus de performances, mais avez-vous vu des mesures, des résultats prouvant ce bénéfice annoncé ?

L’utilisation d’indices intrusifs objectifs, contrairement à la technique de séparation du signal et du bruit d’Hagerman et Olofsson, permet de conserver les aides auditives avec anti-larsen activé, et donc de les mesurer en conditions de couplages acoustiques plus ou moins ouverts. Par exemple, l’indice HASPI v2 va modéliser la perception dans le bruit d’un normo-entendant et d’un malentendant non appareillé présentant, par exemple une baisse d’audition de 10dB/octave :

Le signal est ici la voix française de l’ISTS (NFIM french) et le bruit un mélange de 4 ISTS, le tout de -12dB à +12dB de RSB + silence. Pour les connaisseurs, ça ressemble beaucoup à un VRB, et comme par magie calcul, HASPI v2 prévoit le SIB50 à environ 0dB de RSB, comme le VRB !! Les indices prédictifs marchent plutôt bien.

Toutes les aides auditives ne se valent pas, même en Classe II (et encore moins en Classe I pour des conditions bruyantes, ce qui est somme toute normal). Une aide auditive x dont on fait varier l’effet d’évent de « fermé » à « ouvert » en passant par « 2mm d’évent » et « semi-fermé/tulipe » tout en réajustant les réglages en conséquence du changement d’évent, ne montrera que peu de différences de « perception prédite » en fonction du couplage :

Cette aide auditive n’est pas mauvaise en elle même, mais elle n’a pas un comportement suffisamment performant dans des ambiances très bruyantes pour « potentialiser » (on va dire ça comme ça) la fermeture du CAE.

Par contre une autre aide auditive de Classe II au préalable identifiée comme ayant une technologie plus adaptée aux milieux très bruyants, révélera toutes ses possibilités en jouant sur le couplage :

Ici, la fermeture du couplage auriculaire, si elle est supportée et/ou éventuellement temporaire, montrera toute la possibilité de l’aide auditive. Le gain d’intelligibilité est de 50% à RSB -5dB en entrée, soit une amélioration de 4dB environ du RSB en sortie d’aide auditive par rapport à la condition ouverte. Le Géant Vert semblait donc avoir raison ! (vous comprendrez, j’en suis sûr !).

Ce qui se passe à RSB -7dB au micro de référence avec cette aide auditive :

RSB -7dB au micro de référence

En couplage ouvert au même RSB dans la cabine :

RSB -7dB open

En couplage fermé :

RSB -7dB closed

En conclusion, oui, et non : le couplage auriculaire aura/n’aura pas une influence sur la perception dans le bruit. Si l’aide auditive n’a pas les capacités algorithmiques pour surpasser la réalité acoustique, le changement de couplage n’aura qu’une conséquence limitée. Dans le cas contraire, le couplage influe réellement sur la perception vocale dans le bruit.

Attention cependant, et je reviens au début de ce post : ce sont des MESURES objectives, et pas des TESTS subjectifs. Mais ces indices dits « intrusifs » fonctionnent redoutablement bien, et donnent le « La » des possibilités d’une aide auditive. Le patient, dans la dure réalité, fera aussi bien que la prédiction, voire mieux, voire moins. Dura lex, sed lex, la physiologie aura toujours le dernier mot.

Un commentaire sur “Perception de la parole dans le bruit : l’évent influence t-il les performances de l’aide auditive ?

Laisser un commentaire