Les entrées, les sorties, la simulation

Est-il possible de modéliser (simuler) au coupleur ce qui se passe dans un conduit auditif avec autant (plus ?) de précision qu’une mesure in vivo ? Et ce, quel que soit le couplage utilisé ?

La simulation au coupleur de ce qui se passe dans le conduit auditif peut être utile à l’audioprothésiste dans certains cas, non exhaustifs :

  • pré-régler des aides auditives
  • simuler l’amplification dans le cas d’un enfant pour qui la mesure in vivo ne sera pas possible
  • contrôler l’aide auditive d’une personne ne pouvant pas/plus se déplacer

Jusqu’à présent, nos chaînes de mesures proposaient l’enregistrement dans un coupleur de 2cc. Pour passer de ce volume à celui de l’oreille, le RECD s’ajoutait à chaque bande de 1/3 d’octave mesurée dans le coupleur afin de simuler à la fois le seuil au niveau du tympan, mais également le niveau de sortie (simulé) au niveau du tympan.

L’utilisation d’un coupleur de 0.4cc a permis plus récemment de s’approcher du volume réel de l’oreille occluse, et d’utiliser un RECD basé sur ce coupleur : le RECD “large bande”, car dans un petit volume, il est possible d’obtenir avec fiabilité des mesures au-delà de 6000Hz.

On avait donc la première étape :

dB SPL au tympan simulé = dB SPL dans le coupleur + RECD

Mais c’est insuffisant, car si le micro de l’aide auditive est dans la conque, tout au fond du CAE ou derrière le pavillon, l’effet de son positionnement n’aura pas le même effet sur la simulation au coupleur. La chaîne de mesure doit donc tenter de reproduire l’effet de ce positionnement en ajoutant une petite valeur, le MLE (Microphone Location Effect). On a donc la seconde étape, lorsque l’audioprothésiste doit choisir le “type” d’aide auditive qu’il adapte :

dB SPL au tympan simulé = dB SPL dans le coupleur + RECD + MLE

Tout ceci est effectué par la chaîne de mesures, dans les menus déroulants propres à NAL-NL ou DSL.

Evidemment, si on travaille aux inserts et que le RECD a été mesuré plutôt qu’estimé, la simulation des niveaux au tympan n’en sera que meilleure.

La dernière étape, celle qui est censée approcher au mieux la réalité par la simulation et l’estimation de l’effet d’évent (VE ou Vent Effect). Nous avions le choix entre “occlus”, “1mm”, “2mm” ou “ouvert”. Et le résultat final de la simulation (ou S-REM pour Simulated Real Ear Measurement) sera donné par :

dB SPL au tympan simulé = dB SPL dans le coupleur + RECD + MLE + VE

Pour avoir testé cela en comparant une MIV et une simulation au coupleur, les seules fois ou la simulation fonctionnait bien (bonne corrélation) c’est lorsque l’audition a été mesurée via inserts + embouts du patient (appareillé en BTE donc) et que le RECD a été obtenu via l’embout. L’effet cor du tube est bien pris en compte ainsi que l’évent.

Mais quelle est la part aujourd’hui de l’appareillage BTE en France ou dans le monde ?

Les valeurs “occlus”, “1mm”, “2mm” ou “ouvert” ne fonctionnaient jusqu’alors que pour des embouts sur mesure de BTE ou d’intras.

Que faire lorsque l’on met un dôme tulipe sur un RIC ? Ou un double dôme sur un tube fin ? La simulation perd alors toute sa robustesse alors que ces formes de couplages se généralisent.

Un fabricant de matériel audiologique dont j’avais déjà parlé ici, Audioscan, permet récemment une simulation de divers couplages avec des MLE d’aides auditives correspondant aux utilisations actuelles. On retrouvera donc des couplages du type “semi_open”, “double”, “ouvert”, “dôme fermé” et des possibilités de MLE pour les RITE/RIC par exemple, même si on peut se demander en quoi elles diffèrent des BTE.

Ce fabricant a d’abord estimé les effets d’évents pour tous ces nouveaux couplages :

Mais également, et c’est là la nouveauté, l’influence du signal entrant direct (DP ou direct path) a également été modélisée :

Cette dernière donnée est très intéressante car elle permet, dans un coupleur fermé de simuler l’entrée directe du signal extérieur via l’évent, et donc en quelque sorte la perturbation de l’amplification par le signal extérieur (j’y reviendrai).

La simulation finale au coupleur de l’efficacité in vivo est alors :

dB SPL au tympan simulé = dB SPL dans le coupleur + RECD + MLE + VE + DP

Bon, c’est bien d’empiler les dB, mais au final, est-ce que ça fonctionne ?

La mesure suivante montre en superposition :

  • en pointillés verts, la mesure in vivo dans l’oreille d’une aide auditive à écouteur dans le CAE avec dômes tulipes
  • en vert par dessus la mesure in vivo simulée au coupleur pour cet appareillage RITE sur dôme open
  • le tout sur base inserts + RECD large bande (WRECD)

Au pouillème près, ça fonctionne très très bien !!!

L’effet d’évent qui est important (voire quasi total jusqu’à 500Hz) est parfaitement estimé, le MLE certainement également (la petite différence dans les aigus ?), le chemin direct aussi.

On arrive donc à estimer très finement l’amplification in vivo dans un coupleur, y compris avec des couplages qui pouvaient paraître exotiques tels que ceux que nous utilisons parfois aujourd’hui.

Quelques précisions cependant :

  • L’effet d’évent sur le signal extérieur n’est PAS l’équivalent du REOG. L’occlusion est en effet un phénomène acoustique plus complexe qu’un “mur de l’évent”.
  • Ces valeurs que je reprends d’Audioscan ne sont pas normées mais issues de recherches en interne, vraisemblablement menées conjointement avec l’UWO (University of Western Ontario), créateur de DSL.
  • Ces valeurs sont utilisables quelle que soit la méthodologie de calcul de correction.
  • Je n’ai pas retrouvé ces valeurs sur d’autres chaînes de mesure que l’Audioscan.

En guise de conclusion, je pense qu’il s’agit d’une avancée intéressante dans la simulation, notamment je l’ai dit pour l’appareillage de l’enfant (jeune) ou le contrôle permanent d’efficacité de personnes ne pouvant plus se déplacer.

La suite à venir dans les prochaines semaines : lorsque l’on voit l’effet du chemin acoustique direct, il est très tentant de mesurer l’effet du couplage sur la perte de RSB.

A suivre (en test)…

3 commentaires sur “Les entrées, les sorties, la simulation

  1. Bravo et merci, Xavier, pour un autre post à la fois très clair, informatif, et ludique.

    Concernant la conclusions :

    ‘On arrive donc à estimer très finement l’amplification in vivo dans un coupleur, y compris avec des couplages qui pouvaient paraître exotiques tels que ceux que nous utilisons parfois aujourd’hui.’

    il serait peut-être de préciser, pour ton lectorat, que la congruence remarquable entre les prédictions à partir du coupleur et les mesures oreille réelle illustrée ici, ne n’observerait très probablement pas (sauf par chance, ou en moyenne à travers plusieurs oreilles) avec des embout occlus — pour lesquels la fuite acoustique peut varier très largement d’une oreille à l’autre

    On rejoint-là une question complexe soulevée dans un de tes posts précédents concernant l’impédance complexe de l’oreille… 🙂

    C’est l’une des limites des prédictions moyennes fondées sur des mesures au coupleur, et l’une des raisons pour lesquelles, je crois, les systèmes de mesure oreille réelle (et le professionnel sachant les utiliser à bon escient, comme toi) restent non seulement utiles, mais nécessaires pour une adaptation prothétique personnalisée dans la plupart des cas. 🙂

    Au plaisir de te lire à nouveau prochainement.
    Christophe

  2. Merci Christophe. C’est tout à fait vrai.
    Et concernant l’impédance complexe de l’ensemble formé par le transducteur et l’oreille moyenne, je ne saurais que trop pousser les audioprothésistes à effectuer un REDD, même plus qu’un RECD dans le cas de suspicion.
    L’énorme avantage de cette méthode est de n’utiliser qu’un seul et unique transducteur (les inserts ou le casque) pour l’audiométrie et la mesure du REDD.
    Par contre (on a rien sans rien), sans RECD, impossible de faire des mesures in vivo simulées au coupleur comme je les présente ici.

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