Mesures objectives d’aides auditives. Comprendre et interpréter les indices d’intelligibilité et de qualité.

En 2019, le magazine Que Choisir publiait un comparatif de performances d’aides auditives qui à l’époque, avait eu un retentissement important.

Bien que ces techniques de mesures soient aujourd’hui utilisées en routine par de nombreuses équipes de recherches en audiologie, le monde de l’audioprothèse en France découvrait qu’il était possible de comparer les aides auditives entre elles, sur le plan de la performance et de la qualité sonore. Qu’un intervenant externe à la profession se charge de ces analyses piquait la profession au vif, mais il faut bien reconnaître que nous n’avions aucune base de référence, ni pour vérifier la véracité de ces tests, ni pour juger de leur efficience ou de la robustesse des protocoles mis en place.

A la décharge des audioprothésistes, l’analyse comparative de produits de santé dont les performances sont tellement « opérateur dépendant » (dépendantes des réglages effectués par le professionnel), ne pouvait que provoquer une levée de boucliers : que représentaient ces notes sur 20 ? Ces carrés (« médiocre ») ? Ces étoiles ? Quel était le protocole de test ? Était-il reproductible ? Quels étaient les tests réalisés ? Etaient-ils scientifiquement validés et reconnus ? Comment les appareils étaient-ils réglés ? etc.

Toutes ces questions étaient légitimes et on peut regretter une certaine recherche de sensationnationalisme qui avait empêchée, à l’époque, une collaboration entre ce magazine et des équipes de recherche et formation universitaires et indépendantes (et françaises). Nous aurions tous eu à y gagner : les audioprothésistes par une meilleure connaissance des produits de santé qu’ils proposaient, les patients/consommateurs par une meilleure information et la communauté scientifique, par une plus grande indépendance vis-à-vis des discours et des écrits de fabricants d’aides auditives, forcément partiaux.

A toute chose malheur est bon, et cet article de 2019 fut l’occasion pour nombre de nos confrères de découvrir l’existence des indices objectifs et qualité et d’intelligibilité des aides auditives, sujet abordé en détail lors du dernier EPU de 2021.

Les reproches faits à Que Choisir à l’époque du premier comparatif, portaient essentiellement sur la démarche scientifique et l’aspect unilatéral des mesures (pas de concertation avec le CNA sur la pertinence des indices utilisés par exemple). Aucun protocole de test n’avait été rendu public, aucun indice n’était cité et surtout, chose pourtant essentielle en matière scientifique, les mesures n’étaient pas reproductibles par d’autres équipes de recherche. Les résultats restaient locaux, donc.

Que Choisir réédite ces mesures en janvier 2022, mais a laissé « fuiter » son protocole de tests avant publication, certainement de manière intentionnelle. L’occasion pour nous de s’intéresser à ces mesures en particulier, mais également aux mesures objectives en général afin de bien appréhender cet aspect technique de l’audiologie prothétique.

Quelles sont les mesures objectives d’intelligibilité et de qualité ? Que représentent-elles ? Comment les lire et les interpréter ? Un indice est-il suffisant pour décrire une sensation de confort ou d’inconfort dans le bruit ?

Partons donc dans le monde magique de la prédiction à travers une petite revue scientifique !

Qu’est-ce qu’un indice de prédiction objectif ?

Un indice de prédiction objectif, comme son nom l’indique, a pour but de calculer, en s’affranchissant des performances individuelles d’un patient ou d’un sujet, la qualité sonore, l’intelligibilité ou la perception vocale (selon les indices), avec une aide auditive.

L’indice le plus connu dans le monde de l’audiologie est le SII (Speech Intelligibility Index) (Pavlovic, 1987). Toutes nos chaînes de mesures affichent le SII après une mesure in vivo, par calcul des informations de crêtes au-dessus du seuil du patient, et en fonction de l’importance de telle ou telle bande de 1/3 d’octave dans l’intelligibilité.

Une telle mesure objective est dite « non-intrusive », c’est-à-dire que le signal dont on mesure l’émergence (la parole en l’occurrence) est le seul émis et mesuré, aucun autre bruit concurrent n’étant émis pendant la mesure.

Tests non-intrusifs et tests intrusifs

La mesure du SII telle qu’elle est effectuée en audioprothèse est forcément réductrice, puisque seules les conditions d’écoute sans bruit(s) peuvent être explorées.

Afin de tester l’émergence vocale ou la qualité dans le bruit, des indices objectifs dits « intrusifs » ont vu progressivement le jour ces dernières années.

Le principe d’un test intrusif consiste à rechercher un signal « propre » au milieu d’un mélange signal + bruit à la sortie et/ou à l’entrée de l’aide auditive. Cette recherche du signal cible (la parole le plus souvent) se fait en recherchant sa structure fine, son enveloppe ou les deux, dans le mélange signal + bruit :

L’analyse intrusive n’est pas nouvelle dans le domaine de l’analyse des transmissions, mais elle est utilisée de façon plus récente et de plus en plus massivement dans le domaine de l’audiologie prothétique (Hines, 2012).

La plus ou moins grande émergence de l’enveloppe ou de la structure fine du signal au milieu du bruit va déterminer, par calcul, l’émergence de la parole. Cette émergence est ensuite retranscrite sous la forme d’un indice d’intelligibilité ou de perception.

De même, les altérations de l’enveloppe ou de la structure fine du signal cible par le bruit ou par l’aide auditive sont retranscrites sous la forme d’un indice de qualité du signal.

Modèles mathématiques de l’audition

Un modèle auditif est souvent associé à l’analyse de l’enveloppe et de la structure fine (J. Kates, 2013).

Ces modèles mathématiques simulent de façon plus ou moins complète l’oreille externe (HRTF/REUG), moyenne et interne (fonction compressive des CCI, amplificatrice des CCE, élargissement des bandes critiques, masquage, etc) et certaines fonctions psychoacoustiques. Certains modèles actuels sont d’une exhaustivité importante.

Prédiction d’intelligibilité, de qualité ou de musicalité

Ces indices couvrent donc plusieurs critères : perception vocale ou intelligibilité, qualité du signal vocal transmis mais également la qualité de restitution de la musique pour certains, lorsque le signal cible est un signal musical.

Il existe à ce jour plusieurs dizaines d’indices objectifs. L’analyse de leur qualité de prédiction, c’est-à-dire la force de la corrélation entre leur prédiction et l’intelligibilité réelle de sujets testés fait ressortir du lot quelques indices seulement (van Kuyk et al., 2018).

Quelques indices de qualité sonore

La qualité sonore d’une aide auditive est sa capacité à préserver l’intégrité de l’enveloppe de la parole amplifiée par rapport à la parole d’origine, tout en dégradant au maximum celle du bruit. On se rend compte à l’énoncé du problème de sa complexité.

Les quelques indices suivants sont parmi les plus fréquemment utilisés (sauf pour le premier cité) et semblent faire consensus dans la littérature.

Indice de différences d’enveloppes (EDI)

La déformation de l’enveloppe temporelle du signal par la compression a été très tôt mesurée en audiologie prothétique (Fortune et al., 1994), et cette technique a été améliorée au fil des années (Hoover et al., 2012).

L’indice de déformation d’enveloppe temporelle (EDI : Envelope Difference Index), quel que soit son calcul, est un indice variant de 0 (aucune déformation d’enveloppe) à 1 (enveloppe totalement déformée). Il est possible de quantifier séparément la déformation du signal (que l’on espère minimale) et celle du bruit (que l’on espère maximale) :

Perception de la qualité vocale (PESQ)

L’indice PESQ (Perceptual Evaluation of Speech Quality) n’avait pas été élaboré à l’origine pour évaluer les aides auditives, mais afin d’évaluer la qualité vocale lors des transmissions (téléphonie, audio-visuel, transmission, etc.). Cet indice robuste apparaît cependant fréquemment dans l’analyse des algorithmes des aides auditive (Goetze et al., 2014).

L’indice PESQ varie de -0,5 (mauvaise qualité de la parole) à 4,5 (transmission excellente) :

L’indice de qualité de la parole pour les aides auditives

L’indice HASQI (Hearing Aids Speech Quality Index), dans sa version 2 de 2014 est considéré à ce jour comme un des indices de qualité les plus aboutis (J. M. Kates & Lundberg, 2021). Cet indice de qualité varie de 0 (signal d’origine totalement déformé) à 1 (totalement conforme à l’original) :

On notera la très forte influence de la baisse d’audition dans les résultats de qualité. La surdité protège du bruit (elle protège également de l’intelligibilité !), et en cela, évite au malentednant non-appareillé certaines distorsions liées à l’interférence du bruit sur le signal.

L’HASQI v2 est un indice de qualité qui est rarement bon dans le bruit. Dans le silence, tout comme l’EDI, l’HASQI v2 montre assez nettement l’effet de la compression sur la qualité du signal amplifié.

Les différents indices de qualité tentent de concilier un aspect forcément subjectif (la qualité) et un calcul mathématique objectif. Si on peut le leur reprocher, ils ont le mérite de mettre en évidence les effets du traitement du signal et des divers algorithmes des aides auditives, notamment le plus basique d’entre eux : la compression.

Quelques aides auditives récentes (de Classe II), utilisent des algorithmes particuliers permettant la séparation des traitements du signal et du bruit afin de permettre une préservation maximale de l’enveloppe du signal (May et al., 2018). Ces traitements du signal peuvent donc être mis en évidence objectivement :

Quelques indices de perception vocale

Ces indices sont aujourd’hui les plus répandus dans la littérature scientifique et dans la communication des fabricants. Ce sont souvent les seuls à permettre une multitude de tests dans des conditions acoustiques très variées, relativement rapidement, et en s’affranchissant de la difficulté inhérente aux tests subjectifs.

Ils reposent souvent sur des modèles auditifs très élaborés, et pour les plus récents d’entre eux, sur des réseaux de neurones (Pedersen et al., 2020), (J. M. Kates & Arehart, 2021) permettant de prédire la perception du signal dans le bruit.

Plus encore que les indices de qualité, les indices d’intelligibilité (ou de perception de la parole, plus prudemment) sont très nombreux.

On se focalisera sur les plus « performants » d’entre eux, c’est à dire ceux dont les scores de corrélation sont les meilleurs entre la prédiction (objective) et la réalité (subjective) (van Kuyk et al., 2018). La corrélation entre la prédiction de certains indices et l’intelligibilité mesurée est aujourd’hui supérieure à 90%.

Intelligibilité objective à court terme

Deux indices (STOI : Short Term Objective Intelligibility, puis ESTOI : Extended Short Term Objective Intelligibillity) ont pour but de prédire l’intelligibilité « à court terme », c’est à dire par émergence rapide des crêtes du signal dans le bruit (STOI) puis plus récemment (Jensen & Taal, 2016) dans des bruits fluctuants (ESTOI).

STOI et ESTOI varient de 0 (intelligibilité nulle) à 1 (intelligibilité parfaite). L’indice ESTOI est à ce jour le plus adapté à la simulation d’ambiances sonores réalistes, car fluctuantes.

L’intelligibilité en bits

La conversion de l’intelligibilité en bits/secondes (SIIB : Speech Intelligibility In Bits) est à ce jour un des indices les plus novateurs et les plus robustes dans la prédiction de perception vocale (van Kuyk et al., 2017).

Basé sur la théorie de l’information, le SIIB apprécie la perception de la parole par son débit (en bits/secondes). Un débit de 150bits/sec est considéré idéal pour une perception de 100% du message :

L’indice de perception de la parole avec aide auditive

L’indice HASPI (Hearing Aid Speech Perception Index), dans sa version 2 la plus récente (J. M. Kates & Arehart, 2021), est un des indices les plus utilisés à l’heure actuelle pour l’évaluation objective des aides auditives. Son modèle mathématique auditif est considéré aujourd’hui comme l’un des plus évolués, et sa révision de 2021 adopte un réseau de neurones permettant une prédiction accrue de la perception de la parole dans le bruit.

Il permet, comme les indices cités plus haut, la mesure d’aides auditives dans des environnements réalistes et très variés, mais également l’effet de couplages acoustiques variés tout en maintenant actifs les algorithmes (l’anti-larsen notamment) :

Quels indices ont été utilisés par Que Choisir ?

En 2019 et en 2021, les indices d’intelligibilité HASPI (version 1 de 2014) et de qualité HASQI ont été utilisés dans les catégories « Perception de la parole » et « Qualité de la parole ».

Comme il y a deux ans, la « qualité » est « médiocre » dans le bruit, ce qui est, on l’a vu, inhérent à l’indice HASQI lui-même : la moindre présence de bruit altère l’enveloppe du signal. Il aurait été en effet plus intéressant de comparer les aides auditives dans le silence dès lors que l’on s’intéresse à la qualité sonore. La compression, très différente d’un modèle (Classe I/Classe II) et d’un fabricant à l’autre a des répercussions très différentes dans la préservation de l’intégrité du signal d’origine.

L’intelligibilité est donc testée avec la version 1 de l’HASPI. La version 2 donne des prédictions légèrement plus durcies. Les mesures de cet articles sont analysées avec l’indice HASPI v2.

Ce qui est intéressant dans les mesures effectuées en 2021 (publiées en 2022) est la présence d’un mode de mesures « chambre anéchoïque » permettant (enfin !) la comparaison des mesures de QC avec des mesures effectuées par d’autres équipes de recherche, puisque le protocole est alors reproductible.

Un bémol cependant : sauf en cabine anéchoïque, certains bruits utilisés par QC n’ont pas la même densité spectrale de niveau que le signal. Le RSB n’est donc certainement pas égal à toutes les fréquences, avantageant ou défavorisant les aides auditives dans telle ou telle zone fréquentielle. C’est scientifiquement discutable car non-reproductible.

Classe I, Classe II, pas de différences ?

Comme en 2019, mais avec des contrastes moins marqués, les aides auditives de Classe I semblent avoir des résultats proches de ceux des aides auditives de Classe II, et en tous cas forts honorables.

Cet avis est partagé par les audioprothésistes, certainement par les patients (environ 40% des appareillages en 2021), et les mesures indépendantes confirment cet état de fait : les aides auditives de Classe I fonctionnent bien. Ces appareils de Classe I étaient les « Classes II d’il y a 5 ans et plus », et il me semble bien qu’à l’époque, nous en étions satisfaits dans l’ensemble.

Cependant, et c’est sur ce point que ces mesures objectives ne reflètent pas la capacité des aides auditives de Classe II : toutes les aides auditives sont adaptées en bande passante à une surdité donnée (laquelle ? reflète-t-elle toutes les surdités ?), avec un réglage « de base », c’est-à-dire sans utiliser les capacités étendues des aides auditives.

Chaque audioprothésiste sait, et chaque patient devrait savoir, qu’une aide auditive de Classe I est à son maximum de capacités algorithmiques (traitement du signal) lors de l’adaptation. Il n’est souvent pas possible sur ces appareils de renforcer la détection de la parole, la réduction du bruit ou les modes de directivité.

C’est là que réside l’énorme avantage des aides auditives de Classe II. Leur mode de fonctionnement « automatique » ou de base n’est pas fondamentalement très différent sur le plan de la performance avec les aides auditives de Classe I, mais la plupart des aides auditives de Classe II donnent accès à des modes de réglages beaucoup plus avancés.

Voici quelques exemples, chez divers fabricants de fonctions uniquement accessibles en Classe II et leurs effets (liste non-exhaustive) :

1 – Le mode de directivité, associé au couplage pour un Paradise P90R :

Il ne s’agit plus du même appareil si on le teste en « mode auto » et couplage ouvert, ou en directivité renforcée et couplage fermé. L’équivalent en Classe I (B30) ou Classe II de base (M50/P50) n’a pas ces possibilités, ni la même amélioration du RSB :

2 – Le renforcement de la parole dans le bruit avec un Signia 7ax :

La performance dans le bruit est améliorée de 2 à 3dB en activant conjointement la réduction du bruit et le traitement privilégié de la parole, à des niveaux élevés. L’équivalent Classe I chez Signia (3nx) ne permet pas cette amélioration du RSB en sortie d’appareil par les réglages.

3 – La compression basée sur le rapport signal/bruit permet au Bernafon Alpha 9 (ou au Oticon More) de ne pas dégrader la parole aux rapports signal/bruit positifs (absence de « Target Loss »), et donc d’obtenir une amélioration du rapport signal/bruit de quasiment 10dB lorsque les systèmes de renforcement de la parole sont poussés au maximum :

Les appareils de Classe I chez ces fabricants (Zerena3/Siya) ne possèdent pas ces fonctions, ni de compression basée sur le RSB, ni de réglage du « Target Loss » (renforcement ou stabilité de la parole au fur et à mesure que le RSB se dégrade).

4 – Le renforcement des pics de la parole permet au Widex Moment 440 une amélioration du rapport signal/bruit par augmentation du contraste avec le bruit de fond :

Cette fonction (« Speech Enhancer » ou SE) n’a pas d’équivalent sur le Classe I de la marque (Enjoy).

5 – On peut décliner quasiment pour chaque fabricant (Resound, Starkey, etc.) des fonctions avancées équivalentes modifiant profondément les performances des appareils de Classe II par rapport au réglage dit « de base ».

Conclusion

1 – Comme dans beaucoup de domaines, il ne faut pas oublier l’apport de l’être humain (le réglage est dit « opérateur dépendant »). L’efficacité d’un système, à diplôme égal, va varier d’un audioprothésiste à l’autre en fonction des stratégies de réglages utilisées. Ce point influencera la performance finale dans une plus ou moins grande mesure.

Une aide auditive n’est donc pas un circuit inerte aux caractéristiques fixes, et son réglage n’est pas (uniquement) mathématique, mais humain également.

2 – La baisse d’audition sur laquelle est adaptée une aide auditive donnera des résultats très différents non seulement pour le patient, mais également lors des mesures objectives. Par exemple, cette aide auditive adaptée en « mode auto » sur trois audiométries différentes donne trois HASQI (indices de qualité) très différents :

Comment juger alors d’un indice de qualité unique ? Et comparer des aides auditives entre elles sur la base d’un audiogramme unique ?

3 – L’opérateur a son importance, l’audiogramme de référence choisi également. Que dire alors du couplage (embout ou dôme auriculaire) utilisé pour l’adaptation ?

Les mesures présentées dans cet article montrent l’importance de l’évent. Un couplage acoustique optimisé peut donc totalement transformer les performances d’une aide auditive, mais à condition qu’elle en ait les capacités intrinsèques. On ne transformera pas une aide auditive médiocre en bête de course !

Que dire enfin des systèmes apportant un réel confort aux malentendants au quotidien, mais totalement inquantifiables par des mesures de qualité ou d’intelligibilité objectives (mais mesurables et réglables in vivo par les audioprothésistes) : les réducteurs de bruits impulsionnels, l’écoute musicale, la réduction du bruit du vent, efficacité des anti-larsen, etc. ?

Ces multiples réglages ne sont souvent disponibles et vraiment efficaces qu’en Classe II.

Une aide auditive de Classe I est donc à peu près équivalente à une aide auditive de Classe II. Patients et audioprothésistes ont adhéré massivement au 100% Santé en 2021, levant certains freins à l’appareillage. Il ne faut pas perdre de vue qu’une aide auditive de Classe I est au maximum de ses capacités dans le bruit, sans possibilités par l’audioprothésiste, le plus souvent, d’ajuster ces paramètres si le besoin s’en faisait ressentir.

L’idée fausse qu’une aide auditive de Classe II fonctionne de manière équivalente à une aide auditive de Classe I vient du fait, le plus souvent, que les fabricants ajustent de façon minimale ou moyenne les réducteurs de bruit, systèmes de renforcement de la parole ou la directivité, très certainement afin d’éviter un traitement du signal qui pourrait être jugé artificiel par les porteurs.

Sur ce point, nous pouvons constater une amélioration réellement importante ces dernières années, chez tous les fabricants.

Le choix d’une aide auditive est une concertation, un compromis le plus souvent entre les possibilités du patient et de l’audioprothésiste. Il ne s’agit ni de jouer sur « la peur de perdre » (= « si vous prenez le Classe I, vous entendrez mal »), ni de laisser penser que l’audiologie prothétique n’a pas évoluée ces 5 dernières années (= « les Classes I font aussi bien que les Classes II »).

Un indice, tel qu’il est montré ici ou utilisé par Que Choisir ou n’importe quelle équipe de recherche, est forcément réducteur. Pour chaque modèle testé ici, des analyses croisées ont été réalisées : mesure du comportement à chaque rapport signal/bruit, tout en faisant varier le traitement du signal, et pour des couplages auriculaires différents –> plusieurs heures d’acquisition et d’analyse à chaque fois. Est-ce suffisant pour justifier un choix ? Certainement pas, et je m’en garderais bien à titre personnel.

A nous, audioprothésistes, d’argumenter en toute connaissance de cause (et humilité) les impacts du choix de telle ou telle technologie.

A vous, fabricants, de fournir aux audioprothésistes des données standardisées (encadrées par l’ANSM ?), précises et détaillant le fonctionnement et les technologies actives des aides auditives actuelles.

A vous, malentendants, de demander aux professionnels de santé des preuves objectives (mesures, tests) montrant l’apport d’une technologie par rapport à une autre, et qui réponde à vos besoins.

Xavier DELERCE

Avec tous mes remerciements à Franck LECLERE, Luc Forest, David COLIN, Balbine MAILLOU, Christophe LESIMPLE.

Bibliographie

Fortune, T. W., Woodruff, B. D., & Preves, D. A. (1994). A New Technique for Quantifying Temporal Envelope Contrasts. Ear and Hearing15(1), 93–99. https://doi.org/10.1097/00003446-199402000-00011

Goetze, S., Warzybok, A., Kodrasi, I., Jungmann, J. O., Cauchi, B., Rennies, J., Habets, E. A. P., Mertins, A., Gerkmann, T., Doclo, S., & Kollmeier, B. (2014). A study on speech quality and speech intelligibility measures for quality assessment of single-channel dereverberation algorithms. 2014 14th International Workshop on Acoustic Signal Enhancement (IWAENC)4, 233–237. https://doi.org/10.1109/IWAENC.2014.6954293

Hines, A. (2012). Predicting Speech Intelligibility (Issue January). Trinity College Dublin.

Hoover, E. C., Souza, P. E., & Gallun, F. J. (2012). The Consonant-Weighted Envelope Difference Index (cEDI): A Proposed Technique for Quantifying Envelope Distortion. Journal of Speech Language and Hearing Research55(6), 1802. https://doi.org/10.1044/1092-4388(2012/11-0255)

Jensen, J., & Taal, C. H. (2016). An Algorithm for Predicting the Intelligibility of Speech Masked by Modulated Noise Maskers. IEEE/ACM Transactions on Audio, Speech, and Language Processing24(11), 2009–2022. https://doi.org/10.1109/TASLP.2016.2585878

Kates, J. (2013). An auditory model for intelligibility and quality predictions. The Journal of the Acoustical Society of America133(5), 3560–3560. https://doi.org/10.1121/1.4806484

Kates, J. M., & Arehart, K. H. (2021). The Hearing-Aid Speech Perception Index (HASPI) Version 2. Speech Communication131(May 2020), 35–46. https://doi.org/10.1016/j.specom.2020.05.001

Kates, J. M., & Lundberg, E. (2021). Applying Intelligibility and Quality Metrics and Hearing AidsSeptember, 1–39.

May, T., Kowalewski, B., & Dau, T. (2018). Signal-to-Noise-Ratio-Aware Dynamic Range Compression in Hearing Aids. Trends in Hearing22, 233121651879090. https://doi.org/10.1177/2331216518790903

Pavlovic, C. V. (1987). Derivation of primary parameters and procedures for use in speech intelligibility predictions. The Journal of the Acoustical Society of America82(2), 413. https://doi.org/10.1121/1.395442

Pedersen, M. B., Kolbæk, M., Andersen, A. H., Jensen, S. H., & Jensen, J. (2020). End-to-End Speech Intelligibility Prediction Using Time-Domain Fully Convolutional Neural Networks. Interspeech 20202020-Octob, 1151–1155. https://doi.org/10.21437/Interspeech.2020-1740

van Kuyk, S., Kleijn, W. B., & Hendriks, R. C. (2017). An instrumental intelligibility metric based on information theory. IEEE Signal Processing Letters25(1), 115–119. https://doi.org/10.1109/LSP.2017.2774250

van Kuyk, S., Kleijn, W. B., & Hendriks, R. C. (2018). An Evaluation of Intrusive Instrumental Intelligibility Metrics. IEEE/ACM Transactions on Audio, Speech, and Language Processing26(11), 2153–2166. https://doi.org/10.1109/TASLP.2018.2856374

8 commentaires sur “Mesures objectives d’aides auditives. Comprendre et interpréter les indices d’intelligibilité et de qualité.

  1. Merci pour cet article fort intéressant et éclairant!
    J’en comprend qu’en dépit des apparences Que choisir se base sur des protocoles de mesures établis et connus, au moins en partie.
    A votre avis quand ils annoncent que les appareils ont été réglés « en mode standard, pour une presbyacousie moyenne », comment ont ils faits concrètement? Méthodologie choisie? Contrôle du gain de l’appareil pour que chaque fabricant soit à égalité ou au contraire préréglage « brut ».
    Ce serait intéressant de savoir ce qui a été fait à ce niveau, au delà du préréglage des red de bruit, de la compression (chez GN la compression par défaut est en syllabique par exemple… pas le meilleur choix vu les tests ce qui peut peut être expliquer leur positionnement dans ce comparatif) ou directivité.
    Si vous avez un lien pour la lecture de leur protocole on est preneurs 😉

    1. Tout à fait, les protocoles utilisés par QC sont connus, en tout cas les indices. Les premiers protocoles de tests en 2019 étaient trop exotiques et donc non reproductibles. Les derniers sont reproductibles uniquement pour la partie « chambre anéchoïque », c’est déjà ça.
      Pour la publication du protocole, il a effectivement « fuite », certainement intentionnellement. Je l’ai eu comme cela. Mais c’est bien, et fait de façon sérieuse pour la partie anéchoïque.
      J’espère que QC le publiera, n’hésitez pas à leur écrire. Je ne peux malheureusement pas le divulguer de mon propre chef.

  2. Merci Xavier Delerce pour votre pondération, votre approche rigoureuse et votre apport pour répondre scientifiquement au sujet des performances intrasèques des appareils auditifs. il me semble que vous êtes entrain de construire un référentiel scientifique, un protocole pour analyser les ACA que nous pourrions tous utiliser : audio, fabricants, chercheurs, associations de défenses des consommateurs. Merci.
    Ma question, comptez vous publier un article scientifique pour présenter vôtre protocole et vos premiers résultats ? Insuffler une dynamique pour formaliser un protocole commun…

    1. Bonjour, et merci.
      Le protocole n’est pas totalement établi de mon côté. J’ai testé en cabine anéchoïque : les résultats sont exceptionnels et reproductibles, c’est vrai. On obtient alors le meilleur d’une aide auditive, mais est-ce bien réaliste, lorsque aucune réverbération ne vient perturber le fonctionnement d’une aide auditive ?
      J’ai testé en cabine d’audioprothèse, avec un TR inférieur à 20ms, une bonne maîtrise du bruit, avec deux HP (0° pour le signal et 180° pour le bruit). De bons résultats, robustes, et (ce n’est pas très étonnant) légèrement moins exceptionnels qu’en cabine anéchoïque.
      Actuellement je m’oriente vers le test en cabine, avec signal à 0° mais bruit sur 1 à 4 HP latéraux et arrière, via le logiciel d’audiométrie Hearing Space. Ce système me permet une calibration très précise de chaque HP avec compensation en fonction du nombre de sources, et surtout la cabine est équalisée via DiracLive, ce que je pouvais pas avoir auparavant sauf en chambre anéchoïque.

      Donc pour résumer :
      – NFIM french (voix française de l’ISTS) à 0° et 65dB SPL
      – Babble de 4 ISTS sur 1 à 4 HP autour variant de -12 dB de RSB au silence par 3dB
      – le bruit de même DSP que le signal (condition non-respectée par QC pour la majorité de ces tests !!)
      – Cabine équalisée (chaque HP) avec TR inf. 20ms (+/-17ms)
      – Deux aides auditives sur mannequin
      – enregistrement de l’ambiance par micro de référence et de l’AA en fond de conduit par deux micros DPA
      – acquisition semi-pro (96kHz/24bits)
      – émission idem

Laisser un commentaire