Le niveau de la parole modifie-t-il les performances dans le bruit d’une aide auditive ? Ou son réglage ?

On pourrait penser que le comportement d’une aide auditive dans le bruit est dépendant du seul rapport signal/bruit, et qu’il n’est pas forcément influencé par le niveau du signal (la parole). Cependant, des explorations “aux extrêmes” (voix faible <–> voix forte) laissent à penser que certains réglages facilement accessibles peuvent avoir une influence non négligeable sur le résultat final dans le bruit.

Pour rappel, on considère que la voix faible a un niveau moyen (à long terme) de 55dB SPL environ, la voix moyenne de 65dB SPL environ.

Voix moyenne et plus

Concernant la voix “moyenne”, ce niveau de 65dB SPL est dépendant de la perte auditive du locuteur (et donc souvent de son âge), mais aussi des circonstances acoustiques dans lesquelles se trouve le locuteur. Dans le bruit, on aura tendance à parler plus fort, c’est “l’effet Lombard”.

Potentiellement, plus le niveau de la parole va augmenter dans des conditions adverses ou non, plus les aides auditives actuelles (la plupart du temps “non-linéaires”, c’est à dire dont le gain est dépendant du niveau) auraient donc tendance à réduire le gain de la parole, réduisant du même coup l’émergence dans le bruit.

Afin de réduire cet impact négatif de la compression (car tous les autres impacts sont quand même positifs !), les fabricants s’engagent progressivement vers des technologies de différenciation de la parole et du bruit, seul le bruit, en théorie, subissant une compression. Cette technologie fonctionne bien, et règle en partie le problème de perte de signal/bruit à bas niveaux de bruit (RSB positifs) mais également à forts niveaux de bruits (RSB négatifs) lorsque le niveau du bruit risque “d’emporter” le signal utile avec lui : c’est le “Target loss” (perte du gain du signal utile au fur et à mesure que le bruit augmente).

On peut donc considérer qu’aujourd’hui et encore plus à l’avenir, ce problème de perte de RSB à niveaux élevés (de bruit ou de parole) soit progressivement réglé. Mieux encore, au-delà du “Target loss” (qui est un effet de bord négatif du traitement du signal) on voit apparaître sur certains modèles de Classe II des réglages de type “Target gain”. Ce n’est pas décrit sous ce terme exact, mais certains réglages chez quelques fabricants vont accroître le gain apporté au signal utile en présence de bruit (ex: Bernafon, Oticon, Signia, Resound, etc.).

Si ces réglages ne sont pas présents (ou la technologie pas présente ?), la solution de contournement de perte du RSB à voix moyenne/forte dans le bruit sera… de linéariser la zone 40/55dB SPL, zone correspondant à ces niveaux de voix, et si la dynamique auditive du patient le permet.

Voix moyenne et moins

Un autre effet de bord moins connu de la compression peut être lié à une amplification débutant tardivement en intensité : le premier point de compression est alors situé dans la voix faible, voire moyenne.

Attention ici, même si l’on parle de voix faible (55dB SPL) ou moyenne (65dB SPL), il faut bien avoir à l’esprit que les niveaux en jeu sont de l’ordre de 25 à 55dB SPL, donc plutôt faibles.

Les niveaux d’entrée sous ce premier TK (point d’enclenchement) se situent dans une zone appelée “expansion”. Plus le premier TK sera proche de 0dB SPL, plus les niveaux faibles seront amplifiés, avec ce que cela peut amener de bruits parasites par ailleurs.

Certains fabricants, et c’est comme cela depuis des années, considèrent que les sons faibles peuvent être gênants (et les suppriment par ce moyen) quand d’autres font l’inverse, depuis des années également.

Impact de l’expansion sur la perception de la parole avec un bruit parasite

On y vient enfin !

En testant le modèle (récent) d’un fabricant que je ne nommerai point, j’ai commis l’erreur d’envoyer le signal utile (la parole) à 58dB SPL au lieu de 65dB SPL. Ceci expliquant (peut-être) un résultat qui ferait les choux gras de Que Choisir pour ce modèle de Classe II doté de tout ce qu’il faut a priori pour réussir dans la vie :

5dB d’amélioration du RSB, mais seulement à -10dB de RSB en entrée, il va falloir aller à Ibiza l’été pour en profiter !

Après quelques jours de pause, et constatant aussi mon erreur, je retente la même mesure, mais à 68dB SPL d’entrée (10dB de plus) :

C’est nettement… différent, on va dire ! On constate une amélioration du RSB jusqu’à +5/6dB d’entrée, une légère détérioration après (“Target loss” liée au type compression, rapide et non-dépendante du signal).

Pourquoi ? parce que l’expansion, sur ce modèle, est très importante en réglage “de base” : le signal à 58dB SPL d’entrée n’a pas été suffisamment amplifié pour être traité (et détecté ?) dans le bruit.

Deux solutions :

  • parler plus fort (!), effectivement c’est efficace
  • Diminuer le facteur d’expansion, une autre solution plus élégante, avec un effet tout aussi efficace

Une mesure in vivo permet déjà de visualiser les “vallées” de la voix moyenne (centile 30) peu amplifiées, et surtout la voix faible beaucoup moins amplifiée que la voix moyenne. Une piste vers la déduction d’une expansion trop importante.

Voilà, rapidement, un autre effet de bord de la compression, quand la gestion des niveaux faibles/moyens peut réduire l’émergence de la parole dans le bruit, même faible !

Un commentaire sur “Le niveau de la parole modifie-t-il les performances dans le bruit d’une aide auditive ? Ou son réglage ?

  1. Merci Beaucoup Xavier pour … “l’effet Lombard” !!! Je n’arrive jamais à retenir le nom (je suis d’ailleurs remonté dans le texte pour le citer, j’avais déjà oublié… c’est terrible, je ne l’imprime pas celui là… 😀 )

    … mais MERCI pas que pour ça … 😉

    Amitiés
    Alexandre

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