Là où s’arrête l’audiométrie; là où commence la physiologie.

Malgré le raffinement et la très grande diversité des tests à la disposition des audioprothésistes aujourd’hui, nous ne faisons qu’une « photographie », très imparfaite de l’état du système auditif.

L’audiométrie, tonale ou vocale ne s’avère ne tester que les capacités auditives résiduelles, sans nous donner d’informations « au-delà de la quantité ». Des fois, nous aimerions savoir « où » et « quoi » est touché. Ceci ne nous avancerait peut être pas dans nos réglages, mais aurait au moins le mérite de donner une probabilité de chance ou d’échec d’une amplification.

Pour illustrer ce propos, je voulais vous soumettre le cas d’un patient avec deux tentatives d’appareillage sur les dix dernières années. La première en 2003, soldée par un échec, la seconde en cours, et soldée… je me demande bien encore par quoi !

Ce monsieur consulte en 2003 pour une sensation de déséquilibre OD/OG et volonté d’appareiller son oreille la plus basse, son oreille droite:

2003

Je vous passe les détails, mais après deux mois d’essais en tous genres, stratégies diverses, etc., ce patient n’a aucun apport avec une amplification à droite. Pire: cette oreille droite appareillée se révèle perturber l’intelligibilité relativement préservée à gauche. Force est de constater que la fusion binaurale n’intervient pas. Mais comment l’interpréter ? Ca coince quelque part, mais l’audiométrie ne renseigne en rien sur l’origine…

Arrêt de l’adaptation sur un échec à droite en 2003.

Ce patient revient en 2013 (pas rancunier !), pour « un appareillage à gauche, la droite est morte ». Effectivement:

2013

Plus de seuil en tonale en 2013, intelligibilité nulle de ce côté. Ca me laisse penser qu’en 2003, j’avais tenté de m’attaquer à une oreille interne en train de dégénérer, et dont l’audition à fini par totalement disparaître. D’où cet échec je présume.

L’audition à gauche s’est relativement bien maintenue, ainsi que la vocale, très légèrement en baisse, mais pas si mauvaise quand même (LAFON cochléaires).

Nous repartons pour une adaptation à gauche. Je me dis que la technologie actuelle, 15 canaux, directivité, etc. etc., tout cela devrait donner quelque chose de bien:

MIV 2013

C’est beau, c’est carré, pas comprimé, dans la dynamique, écrêté où il faut, programme 2 anti-bruité, anti-larsenné, réducto-bruité, confortable, porté, supporté, etc.

Une « petite » tonale:

CL 2013

Persiste quand même toujours une sensation « métallique » et « claquante », en régression après un mois de port. Tout essai d’amplification plus importante de 2 à 4KHz se solde par un inconfort au quotidien.

Ce patient n’a quand même pas l’air très emballé par l’apport qualitatif. Les discussions sont « à peine plus faciles », la TV « un tout petit peu mieux ».

La vocale:

CL voc 2013

Sans appareil: bleu. Avec appareil: rouge. Pas de quoi pavoiser. Il faut se rendre à l’évidence: l’amplification ne débouche nulle part en quelque sorte. La zone stimulée (1.5-6KHz) ne semble pas « coder » pour l’intelligibilité chez ce patient. Ce qui pourrait être le cas en présence d’une zone morte cochléaire.

Arme ultime, le TEN-Test:

TEN

Le TEN est émis à 80dB/ERB et de 1KHz (!) à 3KHz, si ce n’est pas franchement positif, ce n’est pas non plus négatif. On peut supposer qu’il y a encore des CCI, peut-être, mais fonctionnent-elles correctement ? Et que s’est-il passé à droite en 10 ans ? Y a t-il un rapport avec la disparition de l’OD et le fonctionnement erratique de l’OG ? Qu’a testé l’audiométrie ?

OU EST LE PROBLEME ?

Des questions, des questions, des questions. Pas de réponses. Tout s’améliore aujourd’hui, nos techniques, nos mesures, nos appareils, mais nous ne testons que la périphérie, avec peu de tests capables de nous donner une indication précise du point de dysfonctionnement.

Rendez-vous en 2023 ?

7 commentaires sur “Là où s’arrête l’audiométrie; là où commence la physiologie.

  1. Juste une remarque, pourquoi ne pas avoir appareillé l’oreille gauche en 2003? Plus tôt on appareille, meilleurs sont les résultats! Quel est l’âge du patient? Il aurait peut-être mieux toléré en 2003…et puis finalement quelle autre solution a t’il?

  2. Le « plus tôt » dans ce cas n’est pas forcément valide: rien n’a changé de ce côté gauche en 10ans. Ma priorité j’imagine à l’époque était le ré-équilibrage.
    De plus, au-delà du seuil tonal, je regarde beaucoup la vocale: et en 2003 à gauche, qu’y avait-il à gagner ?
    Pour le présent, je pense à une dernière tentative en appareillage type « décalage/enrichissement fréquentiel ».

  3. Comment l’audition peut-elle s’écraser en si peu de temps ?
    En pareil cas d’inefficacité avec la PA, ne faut-il pas envoyer pour PEA ou autre examen central ?

  4. A l’époque, ce patient avait été testé par PEA avant PM d’appareillage. Je rechercherai les tests, mais il n’y avait pas de latence pathologique d’après mon souvenir.
    Pas de PEA en 2013 pour l’OD.

  5. un test MLD pour tester le tronc cérébral en espérant que tout aille bien entre la cochlée et les noyaux cochléaires !

  6. Merci pour cette article intéressant qui me rappelle certains cas d’échecs que nous pouvons rencontrer. Force est de constater que la technologie ne permets pas de pallier toute les altérations rétrocochléaires.
    Je me faisais une réflexion pour votre patient. Compte tenu que l’audiometrie vocale présente un score de « 80% » à 40dB, serait il possible d’exploiter cette bonne intelligibilité en proposant un essai en système bicros?
    Bien à vous

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